Peut-on donner de l’eau sucrée à un bébé ? 

Réponse avec le Dr Catherine SALINIER, pédiatre !

Non, il ne faut jamais donner d’eau sucrée à un bébé. En effet, cette pratique, parfois évoquée dans certaines conversations entre parents ou présente dans des traditions familiales, n’est pas sans risque pour la santé des nourrissons. Ce n’est pas l’eau en elle-même qui pose problème, mais bien le sucre qu’on y ajoute. Sauf cas médical très spécifique et toujours sous contrôle d’un professionnel de santé, l’eau sucrée est donc à proscrire. Dans cet article, nous faisons le tour de la question avec le Dr Catherine SALINIER, pédiatre, qui a répondu à nos questions.

 

Pour quelles raisons n’est-il pas recommandé de donner de l’eau sucrée à un bébé ?

Donner du sucre à un bébé sans indication médicale est potentiellement dangereux. Le sucre (glucose, saccharose) ajouté dans un biberon d’eau provoque une élévation rapide de la glycémie (le taux de sucre dans le sang). Mais cette montée est suivie d’une chute brutale, appelée hypoglycémie réactionnelle, qui peut être préjudiciable au cerveau encore immature du nourrisson.

En milieu médical, lorsqu’une supplémentation en sucre est nécessaire, on n’utilise jamais du sucre en poudre ou du sucre en morceaux : ce sont des sucres rapides qui ne conviennent pas aux bébés. Les professionnels préfèrent des formes spécifiques, comme le Dextrine Maltose, qui se dégradent plus lentement, remontent la glycémie plus durablement, et sont mieux tolérées[1]. En résumé, les parents ne doivent jamais donner de l’eau sucrée à un nourrisson, même en cas de fatigue ou de baisse d’énergie supposée.

 

Proposer des boissons sucrées (eau sucrée ou encore jus de fruits) exposera le bébé à d’autres risques :

 

1. L’apparition précoce de caries dentaires

La fameuse "carie du biberon" peut rapidement affecter les premières dents, surtout si l’enfant consomme régulièrement des liquides sucrés. Les dents de lait, en contact prolongé avec un liquide riche en sucre, deviennent plus vulnérables aux attaques acides. Résultat : les caries se forment plus tôt, parfois dès les premières poussées dentaires. L’usage fréquent d’eau sucrée dans le biberon n’est donc pas anodin.

 

2. L’installation de mauvaises habitudes alimentaires

L’enfance est une période clé pour l’apprentissage des saveurs. Le sucre ajouté dans l’eau crée un biais dans la perception gustative, favorisant une attirance vers le sucré au détriment des autres saveurs qu’un enfant doit apprendre à apprécier. 

D’autre part, les boissons sucrées peuvent perturber les signaux naturels de faim et de soif et “couper l’appétit” d’un enfant compte tenu des calories qu’elles contiennent. 

 

Un enfant qui refuse l’eau n’en rejette pas forcément le goût : il n’a tout simplement pas soif à ce moment-là. Il est important de respecter cela et de ne pas l’inciter à boire en sucrant l’eau.

L’eau pure reste la meilleure boisson pour accompagner son hydratation quotidienne.

 

3. Un risque accru de surpoids

Si les nourrissons ont une préférence naturelle pour le sucré, ajouter du sucre dans leur alimentation augmente inutilement la densité calorique de leurs apports. Ces calories dites « vides » n’apportent aucun bénéfice nutritionnel mais favorisent, sur le long terme, le risque de surpoids, puis d’obésité. Habituer un jeune enfant à consommer du sucre, même via l’eau, peut entraîner une dépendance gustative difficile à corriger plus tard.

 

Il est donc clair que l’habitude de proposer de l’eau sucrée à un nourrisson n’est pas sans conséquence. 

 

Une exception : le sucre comme antalgique

En effet, un peu d’eau sucrée est parfois donnée comme solution apaisante, notamment avant certains soins médicaux tels que les vaccins. Mais cette pratique doit rester exceptionnelle et strictement encadrée par un professionnel de santé. Si vous avez le moindre doute, parlez-en avec votre pédiatre.

 

Pourquoi entend-on qu’il faut donner de l’eau sucrée avant un vaccin ?

Il est vrai que certaines recommandations médicales sont de donner de l’eau sucrée juste avant une piqûre telle qu’un vaccin, comme antalgique. Mais cette pratique tout à fait validée, est réservée au cadre médical, et encadrée par un protocole précis. Certaines solutions spécifiques, adaptées à l’âge du bébé et à son métabolisme, sont disponibles en pharmacie. 

Le Dr SALINIER rappelle que cela ne doit en aucun cas devenir une habitude à la maison, ni être reproduit sans l'avis formel d'un pédiatre. Pour apaiser un bébé lors d’un vaccin, d’autres méthodes existent, comme le peau-à-peau, l’allaitement pendant l’injection chez le bébé allaité ou l’utilisation d’un anesthésiant local (sur prescription médicale).

 

L’eau sucrée peut-elle calmer les coliques du nourrisson ?

Face aux coliques, ou aux pleurs excessifs du nourrisson qui ne sont pas forcément liés à des soucis digestifs, de nombreux parents cherchent des solutions pour soulager leur bébé car ils se sentent démunis, et c’est tout à fait compréhensible. En effet, ces “coliques” se manifestent par des périodes de pleurs inconsolables, récurrentes et prolongées, chez les nourrissons de 0 à 5 mois, sans cause évidente[2], et sont bien rythmées par les tétées (environ 30 minutes après la tétée). L’idée que l’eau sucrée pourrait apaiser un nourrisson est un mythe, selon le Dr SALINIER. Non seulement cela n’a aucune efficacité prouvée scientifiquement, mais cela peut exposer l’enfant à des risques inutiles, notamment l’hypoglycémie secondaire, et augmente même la fermentation colique responsable des troubles digestifs.

Il n’y a malheureusement pas de traitement miracle pour calmer les coliques du nourrisson, si ce n’est votre présence enveloppante et rassurante : vous pouvez notamment faire du peau-à-peau et du portage pour être au plus près de votre bébé. D’intensité variable d’un enfant à l’autre (certains bébés n’en auront pas du tout), les coliques du nourrisson disparaissent généralement vers l’âge de 3 mois. Si vous n’allaitez pas, n’hésitez pas à évoquer avec votre pédiatre le choix de la préparation pour nourrisson proposée à votre bébé.

 

 

Que donner à votre bébé s’il vous semble fatigué ?

Si un bébé semble fatigué ou irritable après un effort (marche, bébé nageur, etc.) ou une longue sortie repoussant le repas, la solution ne réside pas dans le sucre rapide, pour la même raison (risque d’hypoglycémie secondaire). Une option consiste à proposer un apport en énergie, comme un peu de banane (donnée en morceaux mais pas en rondelles pour éviter tout risque d'étouffement) , si l’enfant a déjà commencé la diversification alimentaire (débutée entre 4 et 6 mois sur l’avis du pédiatre qui suit l’enfant). Pour un nourrisson allaité exclusivement ou, à défaut, nourri avec une préparation pour nourrisson (plus communément appelée “lait 1er âge”), il est essentiel de ne pas introduire d’autres substances sans recommandation médicale.

 

Rappels sur l’âge adéquat et les quantités d’eau à proposer à votre bébé

 

A partir de quel âge doit-on proposer de l’eau ?

Avant 6 mois, un nourrisson allaité ou, en cas d’absence d’allaitement, nourri avec une préparation pour nourrisson (plus communément appelée “lait 1er âge), n’a pas besoin d’un apport en eau supplémentaire, sauf situation particulière comme de fortes chaleurs, ou des symptômes tels que fièvre ou diarrhée. Dès le début de la diversification alimentaire - généralement entre 4 et 6 mois, avec l’accord du professionnel de santé qui suit l’enfant - il est possible et nécessaire de commencer à proposer un peu d’eau au bébé au cours des repas notamment.

Souvent les bébés refusent l’eau qu’on leur propose, il ne faut alors pas s’inquiéter, c’est juste qu’ils n’ont pas soif.

Le premier signe de la déshydratation chez le petit comme chez le grand enfant est la soif. Ainsi, si l’enfant n’a pas soif, il n’est pas à risque de déshydratation.

 

Quelle quantité d’eau donner à un bébé selon son âge ?

Voici les indications données par l’EFSA (European Food Safety Authority) en ce qui concerne la consommation totale d’eau (aliments et liquides), en fonction de l’âge de l’enfant[3] :

  • Entre 0 et 6 mois : 680ml / jour (apportés par le lait, maternel ou infantile, et plus tard les soupes et purées)

  • Entre 7 et 12 mois : 800ml à 1L / jour comprenant tout apport liquide ou soupe, fruit et légume

  • Entre 1 et 2 ans : 1100 à 1200ml / jour

  • Entre 2 et 3 ans : 1300ml / jour.

 

Quelle eau choisir pour un bébé ?

L’eau destinée à un nourrisson doit respecter des critères stricts fixés par l’ANSES[4] afin d’assurer la sécurité sanitaire des bébés vis-à-vis des contaminants, ainsi qu’un apport optimal en minéraux, en se basant sur la composition du lait maternel. Ces critères correspondent à :

  • une eau faiblement minéralisée (résidu sec inférieur à 1000mg/L)

  • de faibles taux de nitrates (10 mg/L), magnésium (50 mg/L), sodium (200 mg/L), calcium (100 mg/L), chlorures (250 mg/L), sulfates (140 mg/L) et fluor (0.3 mg/L en cas de supplémentation médicale en fluor, ou 0.5 mg/L en l’absence de supplémentation médicale en fluor).

  • au total, plus de 40 critères permettent de vérifier qu’elle ne présente pas de trace de traitements chimiques, pollution ou contamination.

 

Une eau respectant ces critères pourra apposer la mention « adaptée à l’alimentation des bébés » sur ses bouteilles, comme c’est le cas de l’eau minérale naturelle evian, qui garantit une composition stable et sûre.

Sachez qu’il est recommandé de continuer à limiter les boissons sucrées pour votre enfant, même en grandissant. L’eau pure, élément central du corps humain, reste la boisson la plus saine et la plus désaltérante pour tous. Mais également, la seule qui soit indispensable !

Sources :

[1] : Harding JE, Alsweiler JM, Edwards TE, McKinlay CJ. Neonatal hypoglycaemia. BMJ Med. 2024;3(1):e000544. Published 2024 Apr 9. doi:10.1136/bmjmed-2023-000544
https://www.msdmanuals.com/fr/professional/p%C3%A9diatrie/troubles-m%C3%A9taboliques-%C3%A9lectrolytiques-et-toxiques-chez-le-nouveau-n%C3%A9/hypoglyc%C3%A9mie-n%C3%A9onatale#Traitement_v1088283_fr
﷟HYPERLINK "https://www.msdmanuals.com/fr/professional/p%C3%A9diatrie/troubles-m%C3%A9taboliques-%C3%A9lectrolytiques-et-toxiques-chez-le-nouveau-n%C3%A9/hypoglyc%C3%A9mie-n%C3%A9onatale#Traitement_v1088283_fr"[2] : Coliques du nourrisson, Groupe Francophone d'Hépatologie-Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques : https://www.gfhgnp.org/recommandations-et-documents/coliques-du-nourrisson/
﷟HYPERLINK "https://www.gfhgnp.org/recommandations-et-documents/coliques-du-nourrisson/"[3] : EFSA. Scientific Opinion on Dietary Reference Values for water. EFSA Journal 2010; 8(3):1459 : https://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/1459
﷟HYPERLINK "https://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/1459"[4] : ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), Avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif à la fixation de critères de qualité des eaux minérales naturelles et des eaux de source embouteillées permettant une consommation sans risque sanitaire pour les nourrissons et les enfants en bas âge 
Affsa- Saisine n° 2001-SA-0257 : https://www.anses.fr/fr/system/files/EAUX2001sa0257.pdf